Santé
5.8.2021
4
min

La santé mentale : un sujet tabou en Afrique

Sur le continent, beaucoup de personnes ont déjà des difficultés pour accéder aux soins de santé pour les douleurs physiques, alors la santé mentale est souvent reléguée au second plan.

Ces derniers temps, la santé mentale est devenue un réel sujet d’actualité. Des sportives de haut niveau comme la joueuse de tennis japonaise d’origine haïtienne Naomi Osaka ou la gymnaste afro-américaine Simone Biles ont toutes les deux préféré préserver leur santé mentale au détriment de la compétition sportive.

Susu ayant adopté une approche du soin allant au-delà de l’aspect physique et du médical, ce sujet nous a amené à nous questionner sur le rapport à la santé mentale en Afrique.

Négligés, les malades sont stigmatisés et parfois abandonnés par des familles complètement dépassées. Nous nous consacrons aujourd’hui au sujet afin de comprendre ce phénomène et découvrir quelques initiatives visant à accompagner les personnes atteintes de troubles mentaux.

Des maladies mentales encore méconnues et une prise en charge insuffisante pour les malades

Dans les régions où les politiques de santé publique donnent la priorité au traitement de maladies infectieuses, ou encore à la malnutrition, les ressources matérielles et humaines dédiées aux maladies mentales (épilepsie, schizophrénie, bipolarité, ou troubles de l’anxiété…) sont moindres.

Un article du journal Le Monde soulignait notamment le fait que la majorité des pays africains comptent environ un psychiatre pour 500 000 habitants, au lieu d’un psychiatre pour 5 000 personnes conformément aux recommandations de l’OMS.

Résultat : une faible fraction des malades reçoivent les soins dont ils ont tant besoin, y compris les jeunes. Soumis au stress et à l’anxiété inhérente aux transitions de la vie, 5 % d’entre eux présentent des dysfonctionnements mentaux.

L’ignorance, la peur, les croyances spirituelles et enfin le manque d’argent poussent les familles à se débarrasser des personnes malades qui sont au mieux placés dans des établissements spécialisés au pire dans de véritables mouroirs. Enfermés et enchaînés pour se protéger d’eux et les protéger d’eux-mêmes. Human Rights Watch avait déjà alerté sur la situation des malades au Ghana.

Au Kenya, au Nigeria et en Afrique du Sud, les facteurs de déclenchement de maladies mentales comme le chômage ou les crimes violents atteignent des niveaux critiques. Mais la situation en matière de santé mentale est bien pire dans les pays les plus pauvres, en particulier ceux qui ont encore récemment connu des guerres civiles ou des conflits, comme le Liberia, la Sierra Leone ou le Soudan. Dans ce dernier, 80 % des 80 000 réfugiés du camp souffrent de traumatismes.

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Ces initiatives qui apportent une lueur d’espoir

"La maladie mentale et les troubles cérébraux ne sont pas un échec personnel. En fait, l’échec, s’il y en a un, se trouve dans notre manière de répondre aux personnes qui en sont atteintes”

Dr Gro Harlem Brundtland, Directeur général de l'OMS

Les pays africains ont certes du chemin à parcourir, mais les démarches de sensibilisation se multiplient afin d’améliorer la prise en charge des maladies mentales en Afrique et dans le monde :

En Afrique

Au Bénin et en Côte d’Ivoire, un réseau de prévention contre le suicide a été créé. À l’initiative de lONG locale Sainte-Camille de Lellis, plusieurs centres-relais associatifs ont été implantés dans les deux pays afin de prévenir les suicides et de prendre soin des personnes souffrant de maladies mentales. Dans ces structures, des infirmières religieuses sensibilisées à la psychiatrie accueillent les malades et leurs familles.

Au Sénégal, Anna Gueye, une jeune femme active de 28 ans, a créé en 2019, Shift Sénégal, une structure visant à promouvoir le dialogue autour de la santé mentale.

L’année dernière à l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, elle a lancé une campagne sur Instagram et sur Twitter avec le hashtag #cilonek, un mot wolof qui signifie “quoi de neuf? comment vas-tu ? pour faire réagir sur ce sujet. En quelques heures, la campagne est devenue virale et de nombreuses personnes ont partagé leurs témoignages.

En Côte d’Ivoire, face aux limites du modèle asilaire, les acteurs de la santé mentale expérimentent une approche dite « communautaire » de la psychiatrie. Les guérisseurs traditionnels très importants chez les ivoiriens sont devenus les nouveaux alliés des psychiatres. Les personnes atteintes de troubles mentaux restent désormais dans leur environnement social et c’est le psychiatre ou l’infirmier spécialisé qui vient à lui, en accord avec la famille.

Au Cameroun,  les ministères de la Santé et des Affaires sociales et la mairie de Yaoundé ont conjointement lancé l’opération “zéro malade mental errant dans les rues de Yaoundé” pour venir en aide aux malades souffrant de troubles mentaux. Le but est de ramener ces personnes, souvent abandonnées par leurs familles, dans des formations sanitaires spécialisées, où elles recevront un traitement médical et psychologique et une aide à la réinsertion sociale.

Aux États-Unis

Les femmes noires ont une pression énorme et on attend souvent d’elles qu’elles franchissent les obstacles au détriment de leur bien-être et de leur santé mentale. Lors des Jeux Olympiques de Tokyo de 2021, la gymnaste Simone Biles avait déclaré sentir “le poids du monde sur ses épaules”.

Mais c’est aussi vrai pour les hommes : anxiété, dépression, suicides, sévissent silencieusement dans la communauté afro-américaine. Ainsi, à la pression bel et bien réelle d’être à la hauteur dans des environnements professionnels hautement compétitifs, vient souvent s’ajouter celle des responsabilités familiales. Alors, car en plus surviennent des traumatismes tels que la maladie, la perte d’un proche ou d’un emploi, beaucoup gardent le silence et font face comme ils peuvent. Pas évident de briser le silence, d’en parler, et encore moins de solliciter l’aide d’un professionnel.

C’est donc chez le coiffeur, lieu d’échange et pilier dans la communauté que M. Lorenzo Lewis, fondateur du Confess Project, va partager son expérience, sensibiliser, initier le dialogue sur la santé mentale et orienter vers les professionnels de santé qualifiés ceux qui le souhaitent. Depuis la création de son initiative en mai 2016, plus de 240 000 individus ont été touchés à l’échelle nationale.

Pour en savoir plus sur le Confess Project, regardez la vidéo de présentation (en anglais).

En plus de ces initiatives, agissons à notre niveau, conscients que le simple fait de prendre des nouvelles de ses proches et d’être à l’écoute fait toute la différence.

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La santé mentale : un sujet tabou en Afrique

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